Dans le rétro : essai Jeep Hotchkiss M-201

Certaines voitures ont marqué l’Histoire (avec un grand H). D’autres sont reconnaissables au premier coup d’oeil. La Jeep Hotchkiss M-201 peut se targuer de remplir ces deux critères.

Véhicule emblématique de la Seconde Guerre mondiale, elle a connu une carrière très riche et voit aujourd’hui sa cote flamber sur le marché de l’automobile de collection. Pourquoi ? Une courte balade aura suffi pour le comprendre…

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Essai Jeep Hotchkiss M-201

De la Jeep Willys MB à la Hotchkiss M-201

Pour ce premier « essai rétro » publié sur Masculin, rendez-vous est pris sur un parking avec Philippe Kurtz, président du Jeep Club du Lyonnais. Arrivé un peu en avance, je n’ai pas à l’attendre longtemps… et avant même de le voir, je l’entends. Car assurément, en 2022, le bruit du moteur de cette Jeep se remarque !

Je tourne la tête et vois Philippe s’avancer fièrement au volant de sa Hotchkiss M-201. Et il y a de quoi être fier car en découvrant cette voiture, difficile de ne pas avoir le sourire… « Oh, elle n’est pas toute belle comme les vraies voitures de collection », s’excuse son conducteur, « mais elle fait aussi beaucoup de commémorations »… J’aimerais que ma propre voiture soit aussi « peu belle » !

Avant de monter à bord, un tour du propriétaire s’impose. Et rapidement, l’Histoire nous rattrape. Car pour comprendre comment la Hotchkiss M-201 est devenue aussi prisée, il convient de savoir d’où elle vient…

Bantam, Ford, Willys : trois marques pour une Jeep

Le voyage dans le temps nous ramène donc dans les années 1940, au tout début de la Seconde Guerre mondiale. L’armée américaine comprend vite que, pour transporter ses GIs sur le front, elle va avoir besoin de nouveaux véhicules. Des engins capables de transporter au moins 4 hommes et du matériel. Un appel d’offres est immédiatement lancé, notamment auprès des grands constructeurs des USA. « Mais avec un cahier des charges pour ainsi dire irréalisable », précise Philippe.

Celui-ci évoque par exemple « un véhicule à usage général pouvant servir au transport de personnel ou de marchandises, adaptable pour la reconnaissance et le commandement, à quatre roues motrices et pouvant porter 1/4 de tonne US ». Là où les choses se corsent, c’est lorsque l’on apprend que ledit véhicule devra être doté de 4 roues motrices et ne pas peser plus de 600 kilos… Cerise sur le gâteau : 70 modèles devront être produits pour permettre à l’entreprise de remporter l’appel d’offres.

On s’attend à voir Willys ou Ford décrocher le gros lot. « C’est le Petit Poucet qui rafle la mise », sourit Philippe. En l’occurrence, Bantam. Les décideurs et l’US Army se montrent méfiants à l’égard de cette toute petite entreprise… mais sont bluffés par les capacités tout-terrain de la voiture. En coulisses, tout est mis en oeuvre pour permettre une production à grande échelle de ce 4×4 ultra-léger… surtout après l’attaque de Pearl Harbor et l’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941. C’est finalement Willys qui décroche la timbale, produisant près de 360 000 exemplaires de Jeep Willys MB jusqu’à la fin du conflit mondial.

Ford est aussi sollicité pour compléter l’effort de guerre et produira sa Jeep GPW. « Bantam aura droit à un piètre lot de consolation en ayant le droit de continuer à produire les remorques. »

Et Hotchkiss dans tout ça ?

Quand la guerre se termine, les soldats américains rentrent chez eux, abandonnant bon nombre de leur matériel en France… et notamment leurs fameuses Jeep. Puisque tout est à reconstruire ici, l’armée française récupère plus de 15 000 véhicules, mais avec l’objectif de les moderniser et de corriger leurs points faibles.

Willys-Overland s’associe à Hotchkiss en 1946 et finit par céder sa licence de fabrication et de commercialisation pour la Jeep. La marque française ajoute de nouveaux essuie-glaces à l’auto, renforce son châssis, sa culasse et son embrayage… et c’est ainsi que naît officiellement la Jeep Hotchkiss M-201, produite à près de 28 000 exemplaires dans l’usine de Stains entre 1956 et 1966.

Comment reconnaître une Jeep Hotchkiss ?

Maintenant que le contexte historique est clairement posé, je m’attarde plus en détail sur la Jeep de Philippe. Avec une première question : quelle est la différence entre la Willys, la Ford et la Hotchkiss ?

« A vrai dire, il n’y a que les puristes qui feront vraiment la distinction entre chaque version. La caisse reste la même, mais chaque marque a essayé de mettre sa patte ici et là. » Ford, par exemple, a fait en sorte d’apposer un « F » sur toutes ses pièces, et « cela va du dossier du siège au moindre boulon invisible ! » Sur cette Hotchkiss M-201, les fentes de la calandre sont aussi plus arrondies, la charnière du capot comporte 13 segments (contre 9 et 11 pour Willys et Ford), et la batterie a été adaptée en 24V pour pouvoir utiliser des radios.

Et puis, il y a bien sûr la couleur de la carrosserie : ici, le vert foncé, baptisé, « vert OTAN » remplace « l’olive drab » plus clair de la Willys.

En route, mauvaise troupe !

Après avoir inspecté la voiture sous toutes les coutures, Philippe m’emmène pour une courte balade dans l’Ouest lyonnais. L’occasion de parler un peu mécanique, et d’évacuer tout de suite un sujet qui fâche potentiellement : oui, ce genre de véhicule peut tomber en panne. « C’est pas drôle sinon ! » Mais pour l’heure, tout va bien, et sous un chaud soleil printanier, rouler cheveux au vent est particulièrement agréable. Et tant pis pour la ceinture de sécurité, qui n’est évidemment pas présente sur ce modèle dont le numéro de série sur le châssis correspond à un modèle de 1963… mais dont la carte grise indique une mise en circulation le 1er janvier 1959 (« l’éternel problème des véhicules vendus par les domaines »).

Jeep Hotchkiss M-201 Philippe Kurtz

Une vraie voiture tout-terrain

Sous le capot, on retrouve un moteur 4 cylindres de 60 chevaux à 3600 tr/min, associé à une boîte 3 vitesses (ainsi qu’une boîte courte, une boîte longue et un différentiel). Les données constructeur indiquent une vitesse maximale à 105km/h (pour une consommation de l’ordre de 13l/100km), mais mieux vaut rester doux sur la pédale d’accélérateur. « Au-dessus de 80-90, elle se met à louvoyer ! » Mais sur nos routes de campagne sinueuses, l’aiguille du compteur oscille frénétiquement entre 50 et 60km/h. Nous cherchons alors un chemin non bitumé pour vérifier les capacités tout-terrain de la M-201 : « ça grimpe aux murs », me prévient Philippe ; « avec ça, on va partout ! »

Et en plus, elle donne le sourire

En l’occurrence, ce sera un sentier de campagne très caillouteux. On est loin du confort d’une Citroën C5X, ou alors on peut dire que Hotchkiss avait une conception des sièges massants différente de la mienne. Mais qu’à cela ne tienne : la M-201 est une voiture qui donne le sourire, tant à ses occupants qu’aux randonneurs et autres personnes qui la voient arriver.

Ce que me confirme Philippe : « Elle a un capital sympathie incroyable. Et puis, comme elle est tout ouverte, on entend les réactions des gens, surtout les enfants. C’est génial ! » Un petit coup de sirène pour le folklore (et essayer de faire tourner quelques têtes supplémentaires) et la balade touche déjà presque à sa fin.

Jeep Hotchkiss M-201

Une cote qui s’envole sur le marché de l’auto de collection

Rouler à bord d’un tel engin est une véritable petite expérience. Une façon très agréable de replonger dans une histoire pas si lointaine, d’autant que Philippe participe à de nombreuses commémorations (le rendez-vous est déjà pris pour les 80 ans du débarquement en Normandie en juin 2024). Ces quelques kilomètres m’ont surtout permis d’apprendre comment un simple engin de transport de troupes est devenu une pièce très prisée des collectionneurs.

Propriétaire de sa Jeep Hotchkiss depuis 1999, Philippe ne peut que constater la flambée des prix : « A cette date, on pouvait l’acheter pour l’équivalent de 1500€, 10 000 francs. Maintenant, quand on regarde sa cote, difficile d’en trouver à moins de 20 000€… »

Enfin, la M-201 peut compter sur un dernier atout non négligeable pour séduire les acheteurs : sa réparabilité. N’ayant pour ainsi dire pas évolué depuis près de 80 ans, cette Jeep est aussi facile à démonter qu’à assembler. « C’est juste un Lego avec beaucoup de boulonnerie et il est très facile de trouver des pièces de rechange. De toute façon, cette voiture n’a pas besoin de grand-chose, juste de la graisse, de l’huile et de l’essence ! » Autant dire que cette vieille dame a encore de beaux jours devant elle. « Ca tombe bien, je n’ai pas prévu de vendre ! » Quand on voit le plaisir qu’il prend au volant de son joujou, on comprend facilement pourquoi.

Voiture collection Jeep Hotchkiss M-201

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