[CRITIQUE] I Care a Lot sur Netflix : une comédie d’escroc antipathique

I Care a Lot critique

Un casting plein de bonne volonté et une réalisation inventive sauvent I Care a Lot de la déconfiture. Le fautif ? Un scénario grossier et désinvolte.

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Vous pouvez évaluer la probabilité d’apprécier ou non ce thriller sombre signé J Blakeson (La disparition d’Alice Creed) en vous posant une question simple :

Pouvez-vous passer 2 heures en compagnie d’une bande de gens méprisables ? Et peut-être trouver un intérêt ailleurs ?

Il est difficile de trouver une quelconque qualité dans chacun des personnages décrit dans I Care A Lot – à moins que vous ne considériez la volonté de réussir, quel qu’en soit le prix, comme un trait admirable. Pourtant, il y a suffisamment d’audace et de provocation dans le film pour qu’il vaille la peine d’être regardé, précisément parce que cela vous mettra mal à l’aise.

« Tout ce que je fais chaque jour, c’est prendre soin des autres… ». Pour Marla Grayson (Rosamund Pike, nommée aux Golden Globes pour son rôle), « Care » – comprendre s’inquiéter, prendre soin – est synonyme d’extorsion. Ce qui compte pour elle est clair : l’argent et le pouvoir de faire « tout ce qu’on veut » qui va avec. À cette fin, elle a développé une escroquerie rentable qui s’attaque aux personnes âgées, en détournant leur vie et leur fortune en devenant leur tuteur légal, puis en traçant leurs actifs pour tout ce qu’ils valent.

Mais quand Marla choisit la mauvaise cible, elle se retrouve face à Roman (Peter Dinklage), un trafiquant de drogue mafieux russe avec un penchant pour les gâteaux, les smoothies et couper les doigts de ses ennemis.

En s’emparant d’un sujet qui est devenu de plus en plus sensible dans le climat actuel – le soins aux aînés – J Blakeson, qui signe ici le scénario, la réalisation et la production, marche déjà sur des œufs. Et le résultat ne laisserait pas un tel goût amer si l’interprétation n’avait pas été si cynique. C’est d’autant plus vrai qu’il se révèle moins drôle qu’un véritable chef-d’œuvre de satire noire comme Dr. Strangelove, dont les personnages étaient en fait des caricatures loufoques dont on peut facilement rire. Les personnages ici, conservent une base réaliste qui les rend moins absurdes et par conséquent plus difficiles à comprendre – ou même à tolérer.

Dans son premier tiers, le film installe un rythme et un tableau pas désagréable. Marla est une manigancière de génie bien entourée qui mène son escroquerie et sa vie personnelle d’une main de fer. On a plaisir à découvrir les rouages particulièrement bien huilés de son manège et à apercevoir sa personnalité glaçante jusque dans son intimité.

D’autant que le réalisateur accommode le tout d’une esthétique assurée. Peint dans des teintes bubblegum (le rouge cerise de la robe de Marla ; le bleu profond de la maison volée de Jennifer ; le rose violet criard des fantaisies fondantes de Roman) et tourné dans des tons sursaturés qui reflètent l’artifice et la superficialité plastique de ce monde, le film apparait sous une brillance visuelle lisse, assortie d’une bande-son de synth-pop fragile.

Mais comme avec La disparition d’Alice Creed, les éléments véritablement dérangeants (et intéressants) de la première partie – l’incarcération de Jennifer ; la vulnérabilité des personnes âgées – cèdent progressivement la place à des twists plus génériques et plus clichés, Blakeson se délectant de tromper le public et de bouleverser nos sympathies et nos allégeances. Mais n’est pas David Fincher qui veut. Difficile à ignorer, l’ombre du réalisateur de Gone Girl plane à chaque instant : de la mise en scène à la direction artistique, du ton aux compositions musicales, sans oublier cette voix-off, on la ressent absolument partout. Hors, le script de Blakeson n’a pas l’étoffe de ses prétentions.

Le personnage de Marla perd sa substance dans un trop plein d’orgueil sur fond de féminisme pur et dur. Pas de demie-mesure dans I Care A Lot, l’héroïne – si l’on peut l’appeler ainsi – est plus forte que tout. L’arnaque, l’injustice et la misère ne la font même pas sourciller et la mafia russe, encore moins.

En fin de compte, Blakeson a réalisé un film dans lequel la machinerie de l’intrigue submerge le caractère et la signification, et pour que ce type spécifique de moteur narratif fonctionne, le public doit être investi dans la question de savoir si les plans réussissent ou échouent. Nous n’avons pas besoin d’aimer ce que font les personnages d’un film, mais nos cœurs ont besoin de battre un peu plus vite lorsqu’ils tentent de le faire.

Le résultat est une tragicomédie bien méchante, un tour de montagnes russes qui échange de vrais dilemmes moraux pour quelque chose de plus divertissant et jetable, vous prenant dans vos bras, vous faisant tourner et vous crachant avec une fin de sucker-punch soignée dont vous ressortez sinon diverti, un peu perplexe.

Regardez I Care a Lot pour les performances et le concept, voilà tout.

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