Ce n’est pas une nouveauté que l’on vous propose cette semaine. Avec Happiness Therapy, on a plutôt choisi une petite piqure de nostalgie et de « feel good », à mettre dans votre liste pour le confinement. À la rédaction, on ne s’en lasse pas.
Pitch : La vie réserve parfois quelques surprises… Pat Solatano a tout perdu : sa maison, son travail et sa femme. Il se retrouve même dans l’obligation d’emménager chez ses parents. Malgré tout, Pat affiche un optimisme à toute épreuve et est déterminé à se reconstruire et à renouer avec son ex-femme. Rapidement, il rencontre Tiffany, une jolie jeune femme ayant eu un parcours mouvementé. Tiffany se propose d’aider Pat à reconquérir sa femme, à condition qu’il lui rende un service en retour. Un lien inattendu commence à se former entre eux et, ensemble, ils vont essayer de reprendre en main leurs vies respectives.
Multi-récompensé (Oscar meilleure actrice, meilleur scénario), Happiness Therapy est une comédie comme on en croise trop rarement, qui dans la romance et le drame, raconte le parcours moderne et grinçant de deux éclopés de la vie. A sa sortie, la critique était partagée entre renouveau de la rom-com US ou arnaque du siècle qui puise sa substance comique et sa compassion d’une tragique folie.
David O. Russel fait partie de ceux qui ont stimulé le cinéma des années 90 grâce à une audace rafraichissante et un sens de l’épate particulier (Spanking the Monkey, Flirter avec les embrouilles, Les Rois du désert). Mais contrairement à ses petits copains de la même génération (Tarantino, Soderbergh ou Fincher), son parcours sera plus anecdotique (J’adore Huckabees, 2004) jusqu’à Fighter en 2010 qui le conduit à la consécration. Se sentant pousser des ailes, il s’attaque aujourd’hui à un petit défi puisqu’il écrit et réalise Happiness Therapy, une comédie dramatique à fleur de peau sur fond grinçant tirée du roman de Matthew Quick.
Sur une trame assez convenue, Russel explore son obsession pour la famille dysfonctionnelle, pour les petits maux du quotidien (toc et frénésie pour le jeu du père) mêlés à d’autres plus graves (la bipolarité de Pat et la dépression de Tiffany) et pour les oppositions.
Pour cela, on va suivre Pat, handicapé de la vie qui doit se battre contre de graves sautes d’humeur causées par un trouble bipolaire. Contraint de retourner dans le foyer parental, Pat junior s’oppose d’abord à ses parents, à ses démons, à la société, à Tiffany et enfin à son ex. Construit sur ce puzzle d’émotions, le film va crescendo au rythme de la relation qui se forge logiquement entre les deux. Si la romance se complait rapidement dans quelques conventions, Russel abuse de petits stratagèmes pour nous dérouter de la finalité (évidente).
Ainsi, le grain de folie général et l’instabilité des deux personnalités imposent, à l’image de l’extrême nervosité de Pat qui explose dans des accès de rage effrayants, un rythme infernal qui remplit complètement son contrat de brouilleur de piste. Cette tension croissante qui joue avec nos émotions est aussi entretenue par un récit qui souffle le chaud et le froid sans arrêt, par des dialogues cacophoniques qui frisent l’hystérie mais aussi et surtout par une mise en scène remarquable d’inventivité.
La caméra, toujours en mouvement, enchaine les plans, travelling, grands angles et plans rapprochés dans un exercice de fluidité éclatant. Vecteur principal de ce malaise persistant, Bradley Cooper excelle (enfin) dans un rôle à contre-emploi de ses personnages de beaux-gosses (Very Bad Trip, Limitless). Branché sur haut voltage tout du long et prêt à exploser au quart de tour, il suffit d’un regard à l’acteur pour basculer vers la sensibilité et la vulnérabilité.
Robert de Niro, qui n’a pas été aussi concerné et habité depuis un bail, compose très justement aussi bien dans l’affrontement, la manipulation, la névrose et le bouleversement. En face, Jennifer Lawrence met son opiniâtreté et sa spontanéité rafraichissante au service de Tiffany dans un jeu en finesse très crédible (malgré son jeune âge à l’époque). On a également le plaisir de croiser une Jacki Weaver d’une justesse touchante et Chris Tucker en parasite savoureux.
Avec Happiness Therapy, David O. Russel ouvre une nouvelle dimension à la rom-com, celle d’une génération X paumée, éclopée des sentiments qui combat l’adversité à coup de plaisirs simples. Le cinéaste, à l’audace narrative authentique, trouve le parfait équilibre entre comédie et drame et fait éclore une synergie puissante entre les deux registres pour faire de son film un objet plutôt rare, un feel-good movie grinçant qui trouve parfaitement sa place dans nos soirées cinéma, même 8 ans après.
Notre note : ⭐ ⭐ ⭐ ⭐ ★
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