Faut-il être fou pour courir en ultra-longue distance ?

28 septembre 2018 - #running

Mais qu’est-ce qui fait courir les hommes comme David Cholez ?

Pour certains hommes, courir 3-4 kilomètres ou 20 minutes sans s'arrêter équivaut à 20 minutes de torture. Une séance de course ponctuée par une séance de quinte de toux, de "crachage" de poumons, de rythme cardiaque à 180BPM. Bref, une souffrance qui les amène souvent à dire : "Plus jamais !"

1000 kilomètres à pied, ça use, ça use…

Du coup, on imagine assez facilement ce que peuvent penser ces mêmes hommes en en voyant d'autres courir 10 kilomètres, des semi-marathons voire des marathons : "42 km ? il faut être dingue !" Mais alors, que penseraient-ils de sportifs comme David Cholez ? Agé de 46 ans, cet homme originaire des Cévennes ne peut pas se passer de course à pied. Au sens propre du terme.

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Au mois de juin 2018, il a participé à la 6ème MIL'KiL. Une course de 12 jours et de… 1000 kilomètres (oui, vous avez bien lu), de Saint-Malo à Sète. Ne faut-il pas être un peu fou pour parcourir une telle distance ? Et au-delà de cette folie, comment peut-on se préparer à ce genre de course d'ultra-longue distance ?

David Cholez pendant la Mil'Kil 2018

L'ultra-longue distance, ça demande de l'entraînement

Cela paraît évident. Mais on ne PEUT pas s'engager sur une course sans un minimum d'entraînement. Et cela est vrai pour la MIL'KiL aussi bien que pour le 10 km du coin. Mais pour David Cholez, difficile de parler de véritable "entraînement". Car pour lui, la course a quelque chose d'inné. Ou de viscéral. Dans son "esprit un peu bizarroïde", comme il le dit lui-même, on peut toujours aller d'un point A à un point B en courant. Ou alors en vélo dans le pire des cas. Le plus rarement possible en voiture.

Exemple : amener ses enfants puis aller les chercher à l'école ? Dans le cas de David, 1,4 km sépare son domicile de l'école. Soit 2,8 km aller-retour. Une distance qu'il parcourt généralement 3 fois par jour. Soit près de 10 kilomètres.
Et quand il doit aller à l'entraînement de son club de running, situé à 7,5 kilomètres de chez lui, il n'emprunte évidemment pas son auto, ni sa bicyclette. Il s'y rend en courant… avant d'enchaîner par une séance de 10-15 km.

A quelle vitesse courir ?

A ce rythme, pas étonnant de voir le compteur défiler rapidement : "J'ai parcouru 4000 km en 2017 et je devrais encore être sur les mêmes bases en 2018." Et d'ajouter : "De toute façon, il n'y a pas de secret. Pour participer à de longues courses, il faut un très gros volume d'entraînement. Pas nécessairement une grosse intensité, mais un très gros volume."

En termes de chiffres, il m'explique que son allure d'endurance "normale" se situe à 12,5-13km/h. Et que pour une course ultra, il court donc à un rythme tranquille de… 9-10km/h. Un rythme déjà soutenu pour un coureur débutant, mais que David illustre ainsi : "Le débutant qui court à 10km/h, quand il s'arrête pour passer en marche rapide, il est encore 6km/h. En passant de 13 à 9, c'est à peu près pareil pour moi !"

Et côté alimentation ?

Alors, puisque l'on parle d'entraînement, d'hygiène de vie et de préparation à une course, j'aborde le volet alimentaire avec David. Et là encore, ses réponses risquent d'en surprendre plus d'un.

"Evidemment, il faut manger équilibré, mais je suis gourmand, je veux donc toujours garder une alimentation plaisir." Dans les faits, cela peut se traduire par une tartine de Nutella le matin et une bière le soir.
Les protéines ? "Pas plus que ça, sauf en période d'entraînement intensif. Mais avant une course, je suis un régime plus strict une petite semaine avant, en mangeant davantage de féculents, en supprimant les fruits et légumes crus et en limitant les laitages."

Et pendant une course de plusieurs jours comme la MIL'KiL, la philosophie reste la même. Une bonne hydratation est essentielle ("J'ai toujours un litre d'eau sur moi et je bois toujours beaucoup d'eau, même à la maison"), mais il faut aussi manger et boire ce que l'on a envie : "Au ravitaillement, si j'ai envie d'eau gazeuse ou de Coca, je ne me gêne pas. Et parfois, je préfère une bonne tranche de pain avec du pâté plutôt que la sempiternelle banane."

20% de physique, 80% de mental

Si David insiste autant sur la notion de plaisir, c'est que, pour lui, la réussite d'une course ultra tient avant tout à une bonne santé mentale. "Le physique, ça n'est peut-être que 20% de l'ensemble. Bien sûr qu'il faut être bien préparé, reposé et pas blessé. Mais c'est surtout dans la tête que ça se joue."

Je veux bien le croire ! Car j'avoue ne pas comprendre comment on peut se motiver en se disant que l'on part pour une course de 1000 kilomètres. "Ah mais, il ne faut pas raisonner comme ça ! Il faut se fixer d'autres 'petits' objectifs. Moi, par exemple, je découpe mes journées. Lors de la MIL'KiL, je savais que je devais courir 84 kilomètres par jour. Ben le matin, je me dis que je pars pour 2 marathons. Ou 4 semi-marathons. Et ça passe tout seul. La preuve, le premier jour, j'ai fait 109 km !"

Certes, dit comme ça, ça paraît presque facile, mais est-ce vraiment à la portée de tout le monde ? "A partir du moment où on s'engage sur une course pareille, on est forcément prêts physiquement. Après, je l'ai dit, mais c'est sur le côté mental que ça se joue."

Tu m'étonnes… Courir 15 heures par jour dont 10-11h en étant complètement seul, sur des petites routes de campagne, cela me paraît ubuesque. Ce que me confirme David : "Je dis souvent qu'une course longue distance équivaut à une séance de thérapie. Mais pour la MIL'KiL, c'est comme plusieurs mois de séances avec un psy ! On est seul avec soi-même, avec ses démons. On cogite, on a parfois envie de tout arrêter, mais on continue."

David Cholez court pour SOS Préma

Et parfois, on craque…

Au détour d'une phrase, je comprends quand même que mister Cholez n'est pas un surhomme : "J'ai craqué 2 fois pendant ces 12 jours, à chialer comme pas possible. Puis après quelques minutes, je me dis 'c'est pas possible de se mettre dans des états pareils'. J'essaie de relativiser et je repars."
C'est dans ce genre de moment qu'il convient d'être bien accompagné. Sur une course comme la MIL'KiL, les coureurs sont suivis par des "suiveurs" (logique). Dans le cas de David, Benjamin et Barbara n'étaient jamais loin… à bord de leur camping-car.

Outre ces accompagnateurs, ce qui fait tenir notre homme en course, ce sont ses filles. Il y a quelques années, maintenant, David est devenu papa de jumelles prématurées : Anaïs, restée hospitalisée 4 mois, et Cloé, disparue après 6 semaines de vie. Depuis, il s'engage à fond pour une association qui oeuvre pour le bien-être des bébés prématurés et de leur famille : SOS Préma. Sa participation à la MIL'KiL 2018 lui a permis de récolter plus de 2500 euros.

En 2016, il avait même gravi le Mont Blanc au profit de cette même association. Son engagement ne se limite d'ailleurs pas à ces courses et il milite quotidiennement pour une meilleure écoute des parents (les mamans ET les papas) de bébés nés trop tôt.

Et les blessures ou le mal de jambes ?

Mais si les coureurs d'ultra-longue distance sont généralement très forts dans leur tête, leurs corps peut aussi envoyer des signaux de faiblesse. Et parfois, la blessure guette. C'est dans ces moments-là qu'il faut écouter son corps. Encore faut-il savoir le faire… "Quand on est un jeune coureur, on n'a pas toujours cette capacité. Moi-même, je n'en aurais pas été capable avant. Mais maintenant, ça fait 8 ans que je fais de l'ultra." Quant à la moyenne d'âge des coureurs de la MIL'KiL 2018, elle était de… 56 ans !

"Bien souvent, les blessures ou les douleurs aux jambes sont de fausses excuses. Des prétextes pour ne pas se (re)mettre au sport. Mais on ne se ment qu'à soi-même !" Lucide, David. Et il faut effectivement une vraie force de caractère pour parvenir à accomplir ce genre d'exploit au long cours.

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Et quand, après 800 kilomètres, le nerf releveur fait des siennes au niveau du pied et du tibia fait des siennes, il faut savoir serrer les dents. Ce qu'a fait David Cholez, pour boucler ses 1000 kilomètres en 275 heures 27 minutes et 40 secondes. Trois semaines plus tard, il était déjà de retour sur les routes cévenoles pour reprendre (tranquillement) l'entraînement tout en continuant à oeuvrer pour SOS Préma.