#balancetonporc : des vérités qui dérangent ?

Le scandale Weinstein a donné lieu à de multiples réactions sur les réseaux sociaux et à l'apparition de #balancetonporc. Est-ce vraiment une bonne chose ?
25 octobre 2017 - #drague #femme

Que faut-il penser du hashtag #balancetonporc ?

Il y a quelques jours, la journaliste Sandra Muller a lancé le #balancetonporc. Ce hashtag est rapidement devenu l'un des plus populaires de Twitter et des milliers de femmes se sont mises à raconter, en donnant des noms et les détails, toutes les agressions sexuelles dont elles ont été victimes. Sans donner de preuves, évidemment. Or, il est impossible, statistiquement, que tout soit vrai. On se défoule impunément !

Bref, sans en nier l'intérêt, voici les 3 choses qui me dérangent avec ce hashtag.

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#balancetonporc : le tweet de Sandra Muller

1. Un lynchage en règle

La première chose qui me chiffonne c'est qu'aucune preuve n'est requise pour participer au lynchage public, c'est la faculté que l'on accorde à tout à chacun(e) de ruiner la vie et détruire l'honneur d'un homme.

L'avalanche de tweets qui a eu lieu laisse place à plusieurs questions :

S'agit-il de témoignage, de dénonciation ou de délation ?
Quand le témoignage se veut neutre, la dénonciation demande en premier lieu réparation et la délation vise principalement à infliger une souffrance. Il devient très difficile de faire le tri parmi tous ces tweets parce qu'on ne connaît pas l'intention de celles qui les publient. Cet acharnement devient contre-productif car il empêche de légitimer la démarche de certaines et nous pousse inévitablement à douter de tout ce que l'on lit tant cela nous paraît énorme.

Pourquoi les premiers visés sont-ils des hommes de pouvoir ou des hommes célèbres ?
Ils sont peut-être plus enclins à commettre des abus de faiblesse mais les gens qui ont l'indignation facile feignent d'ignorer qu'il est naturel que les femmes soient davantage attirées par un homme socialement puissant plutôt que par le caissier du supermarché du coin. Un exemple très populaire est la secrétaire craquant secrètement sur son patron, qui parvient au bout de plusieurs mois à coucher avec lui parce qu'elle est plus jeune que sa femme. Lorsque le boss brise ses rêves de supplanter sa femme en lui annonçant que c'était juste une amourette et qu'il ne quittera pas son épouse, sous le coup de la déception, pourquoi ne pas prétendre avoir été abusée ? On est en droit de penser que certaines ne sont pas vraiment de bonne foi. Quant à celles qui ont vraiment été victimes d'agressions sexuelles, maintenant qu'elles ont balancé sur Twitter, qu'est-ce que ça leur coûte de plus d'aller porter plainte ?

Qu'est-ce que cela apporte aux femmes de raconter sans preuves et parfois avec beaucoup de vulgarité leurs mauvaises expériences avec la gent masculine ?
Il n'est pas exclu que les femmes se basent sur des faits réels mais ce mouvement leur permet de se servir de leurs expériences pour se donner de l'importance en se ralliant à une "communauté", en somme : exister. Certains tweets ressemblent plus à des purges haineuses, des règlements de compte, qu'à de réelles dénonciations en bonne et due forme, qui n'ont malheureusement pas été faites en temps utiles ni auprès des bonnes personnes.

La puissance de cet élan de délation ne sert-il pas surtout les intérêts de personnes cupides, rancunières ou simplement méchantes ?
Même s'il y a un fond de vérité, il faut distinguer le petit jeu de séduction auquel elles ont consenti au début et qui est allé trop loin, la remarque sexiste (certes, dégueulasse) gratuite mais pas méchante ou la drague maladroite, trop entreprenante, du véritable harcèlement (qui se définit comme la soumission de quelqu'un à d'incessantes petites attaques) et de l'agression (attaque non provoquée, injustifiée et brutale contre quelqu'un). Enfin, une dénonciation sans preuve peut se retourner en procès pour calomnie.
De toute façon, les jugements portés par les femmes et les dénonciations qui en découlent sont biaisées par un climat ambiant de paranoïa, de phobie et de mythomanie mélangées, qui encourage beaucoup de femmes à se sentir agressées même quand elles ne le sont pas.

Dans de telles conditions, les véritables agresseurs ne se sentiront pas nécessairement en danger car le #balancetonporc est beaucoup trop utilisé, pour le meilleur comme pour le pire. Je ne pense pas que la société patriarcale nous ait encouragés à douter d'emblée de la bonne foi des femmes, mais je pense que les conditions du débat et des accusations ne vont pas dans le sens ni dans l'intérêt direct des femmes victimes.

#Balancetonporc pour dénoncer le harcèlement sexuel

2.Tous les hommes ne sont pas Harvey Weinstein

Comment interpréter la surmédiatisation de l'affaire Harvey Weinstein qui crée ce climat de paranoïa et représente l'occasion de  faire tomber un puissant de plus grâce à un procédé critiqué depuis les années 40 : la délation ?

Mettre en lumière l'affaire Weinstein a encouragé les femmes à prendre la parole (ce qui est louable) mais aussi à s'identifier à toutes les actrices célèbres d'Hollywood. Pourquoi donc toutes ces femmes sur Twitter comparent-elles leur cas avec celui de Marion Cotillard ou d'Eva Green ?

Les femmes, qui s'identifient à toutes leurs idoles, se sentent obligées de parler des hommes qui les harcèlent, elles aussi. Mais tout homme est-il à ce point un harceleur potentiel ? Quel est le point commun entre un homme comme moi et Harvey Weinstein ?

Il faut réaliser qu'Harvey Weinstein, l'un des plus puissants producteurs américains, reste un cas particulier d'agresseur sexuel : dans ce milieu de strass et de paillettes, l'alcool et la drogue coulent à flots, les gens de ce monde n'ont plus vraiment les pieds sur terre.
Les hommes qui soutiennent ces dérives dénonciatrices font partie de ceux qui aiment voir tomber les puissants mais les envient peut-être et auraient potentiellement agi comme eux s'ils en avaient eu la possibilité. Je trouve qu'Harvey Weinstein, en perdant sa femme et son honneur, en étant en cure de désintoxication et en faisant face à plusieurs procès, est déjà bien puni. Le déferlement de dégoût supplémentaire ressemble plus à de la délation haineuse, à de la frustration… Depuis une époque pas si lointaine de notre histoire, nous vivons dans une culture où la délation est perçue comme malsaine. Or, ici, elle semble encouragée et valorisée par les médias.

Moi aussi, à ce compte-là, je devrais peut-être "balancer mon porc", l'épicier homosexuel du coin qui m'a dit "pour vous, je resterais ouvert toute la nuit" ou bien la fille qui a essayé de m'embrasser après avoir trop bu, hier soir. Mais la différence, c'est que je ne suis pas à l'affût et je ne considère pas du tout ça comme une agression sexuelle. C'est certes un peu maladroit mais qu'y faire ? Je n'ai pas été mis en danger, j'ai toujours eu le choix et le droit de dire non malgré l'insistance des copines "quoi, elle te plaît pas notre pote ?".

Si qui que ce soit avait lancé un hashtag du style #balancetatruie, ce ne serait pas passé ! Cela pose le problème des inégalités hommes-femmes en notre défaveur. Quand il s'agit s'opprimer des hommes, c'est d'un seul coup bien vu ! Alors, c'est qui, le sexe fort ?

Harvey Weinstein, l'homme par qui le scandale est arrivé

3. Le temps que les gens ont mis à parler

Maintenant qu'une femme courageuse a parlé, toutes les langues se délient. Il est bien évidemment dommageable que certaines n'aient pas parlé parce qu'elles pensaient que les autorités ne les croiraient pas ou, en tout cas, ne les aideraient pas. On comprend le temps que cela a pris, étant donné les enjeux et les mécaniques du système. Mais ceux qui savaient et qui n'ont rien dit, qui n'ont pas parlé et disent aujourd'hui "j'étais au courant, je suis désolé(e)" se croient-ils irréprochables ?

Ceux qui "sortent du silence", 15 ans après les faits, en disant qu'ils étaient au courant maintenant qu'il n'y a plus de danger le font certainement pour jouir d'une certaine médiatisation. Mais c'est un peu facile. Pourquoi ne sont-ils pas accusés de non-assistance à personne en danger ?

Quant aux femmes qui balancent leur porc sur Twitter, plusieurs années après les faits, comment justifier une telle inertie, s'il n'avait pas vraiment d'influence sociale contrairement à un gros bonnet tel Harvey Weinstein ou DSK ? Quand on connaît l'impact des réseaux sociaux, elles auraient aussi bien pu le faire plus tôt (même sous couvert d'anonymat) ou bien saisir la justice… On peut comprendre un désir de vengeance, certes, surtout s'il n'y a pas eu de réparation. C'est le fouillis ambiant de tweets qui donne le vertige et fait perdre en crédibilité les témoignages des vraies victimes

Le clivage entre l'émotionnel, c'est-à-dire ce que ressentent les femmes, ce qui est soumis à leur propre jugement et le rationnel, c'est-à-dire les faits couplés aux intentions, entretiennent tous les doutes et les remises en question des tweets #balancetonporc (et même #metoo). J'entends par là qu'une femme peut s'être sentie agressée alors qu'elle avait en face d'elle un homme maladroit mais pas mal intentionné. C'est là que j'introduirais la différence fondamentale entre harcèlement et drague de rue : voir ici.

Eduquer plutôt que balancer sur Twitter

A plus long-terme, à qui profite ce fossé de méfiance séparant les hommes et les femmes, qui ne cesse de se creuser, à coups de polémiques médiatiques ?

Le problème de la drague, de la séduction et des relations hommes-femmes doit-il être réglé par la séparation ? Doit-on interdire aux femmes de se retrouver en tête-à-tête avec un homme ? Doit-on les obliger à adopter une certaine tenue vestimentaire ?
La séparation ne me semble pas être une solution car elle engendrerait beaucoup plus de frustrations qu'il y en a aujourd'hui et pourrait mener à des comportements encore plus violents. La société française a toujours été mixte, pourquoi cela deviendrait-il tout d'un coup problématique ? Il faut éduquer les gens (les hommes et les femmes) au respect de l'autre, en sanctionnant sévèrement les abus et les viols.

Au bout du compte, les premiers bénéficiaires de cette polémique sont les médias à qui cela donne des sujets faciles, les politiques qui noient leur poisson pendant ce temps et font passer des lois sans attirer l'attention, les sites de rencontres et autres réseaux sociaux, et les boîtes de nuit payantes… bref, le commerce !
Et qui en paiera le prix, à terme, dans le pire des cas ? Toutes et tous ! On restreindra nos libertés et on nous fera payer l'accès à ce qui est naturel, comme une rencontre.

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Cet article n'engage que moi et ne plaira sans doute pas à tout le monde. Dans tous les cas, je remercie le blog Masculin.com pour m'avoir donné l'opportunité d'écrire et publier cet article. Et vous, que pensez-vous du #balancetonporc ?