La sortie des premières Nike Air Max en 1987 a constitué une véritable révolution à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle a permis à la marque au Swoosh de prendre une nouvelle dimension, mais aussi (et surtout) parce qu’elle a officiellement donné naissance à la bulle d’air visible dans les semelles des chaussures.

Pour les sneakers addicts, il y a donc un avant et un après Air Max ! Pour comprendre les raisons de ce succès, il est intéressant de se replonger dans l’histoire et de comprendre comment cette petite capsule d’air a vu le jour.

Les Tailwind, ancêtres des Nike Air Max

Si Nike aime faire coïncider la naissance de sa bulle d’air avec ses Air Max adorées, cette technologie est en réalité plus ancienne. Il faut remonter au début des années 1970 pour en trouver la trace (peu ou prou en même temps que la création de Nike).

La légende raconte que la fameuse bulle d’air a été inventée par l’ingénieur aéronautique Frank Rudy. Celui-ci conçoit une chaussure de course avec une semelle intermédiaire remplie d’air pressurisé, qui offre un amorti supérieur aux chaussures traditionnelles. Convaincu que son concept pourrait révolutionner la course à pied, Rudy le présente à plusieurs grandes marques de chaussures de sport, qui le rejettent toutes… même Nike !

Pourtant, un autre ingénieur de la marque teste ces baskets et finit par convaincre les responsables que cette technologie a du potentiel. Nike s’associe alors à Rudy pour développer la première chaussure Nike avec bulle d’air intégrée, le modèle Air Tailwind, lancé en 1979.

Si les sportifs sont convaincus à leur tour, la bulle d’air peine à s’imposer dans les chaussures vendues au grand public. Mais l’arrivée de Tinker Hatfield chez Nike change la donne.

Une bulle d’air inspirée par le Centre Pompidou

Architecte designer, Hatfield est recruté pour participer à l’agencement de nouveaux bureaux et showrooms Nike… avant de changer de voie et de dessiner des chaussures. Là encore, l’histoire qui est parvenue jusqu’à nous est assez cocasse.

Régulièrement invité à revenir sur la création de ses premières sneakers, Tinker Hatfield explique que c’est une visite de Paris, et plus précisément du Centre Pompidou, qui lui a inspiré sa création.

Le designer constate que le public ne comprend pas le fonctionnement de la bulle d’air quand il n’ignore pas simplement sa présence. Pour rendre sa chaussure aussi ludique et stylée que possible, il explique donc que le meilleur moyen est d’exhiber cette capsule pressurisée à la vue de tous, à travers la semelle extérieure. La bulle d’air est imaginée comme une fenêtre, une appellation que l’on retrouvera avec le modèle Air Max BW (pour Big Window) en 1991.

La première version des Nike Air Max 1 est lancée en mars 1987 et rencontre un succès immédiat auprès des athlètes et des consommateurs du monde entier. La machine est lancée, rien ne pourra plus l’arrêter !

Et les chaussures de running devinrent des sneakers mythiques…

Devant l’engouement suscité par ses nouvelles baskets, Nike décide d’exploiter le filon à fond. La bulle d’air s’invite dans d’innombrables versions (Air Stab, Air Max Light, Air 180…). Chaque nouvelle itération de la chaussure permet d’apporter des améliorations à la technologie de la bulle d’air, en offrant un amorti et une stabilité toujours plus performants. Mais surtout, Nike s’éloigne du modèle originel blanc, gris et rouge pour proposer des sneakers au design toujours plus osé.

Si la « fenêtre » des Air Max de 1987 peut être assimilée à une « petite lucarne », la marque américaine voit vite les choses en plus grand. Porte fenêtre, baie vitré, véranda… la bulle d’air prend de plus en plus de place dans la semelle, jusqu’à occuper presque toute la longueur en 1997, pour les 10 ans des baskets cultes.

A la même époque, Nike entreprend de créer une toute nouvelle paire de running, mais en surfant sur le succès de son modèle phare. Le designer à la baguette s’appelle cette fois Sean McDowell et s’inspire des paysages de la Floride pour créer les Nike Air Max Plus, les fameuses Nike TN ou « requin » en 1998. La bulle d’air est bien présente, mais devient presque anecdotique. Ce qui attire le regard, c’est le design coloré, tout en dégradé, évoquant les couchers de soleil floridiens…

Ce nouveau modèle aux lignes plus agressives plaît particulièrement aux ados. Il marque aussi le début d’une période plus trouble, avec diverses polémiques liées à la fabrication des chaussures et une déferlante de contrefaçons. Si les jeunes continuent à exhiber fièrement leurs TN, les sportifs et le « grand public » s’en détournent davantage.

Il faudra attendre plus de 15 ans pour voir la bulle d’air Nike retrouver une image plus « positive », alors que les sneakers gagnent en popularité, s’invitant jusque dans les défilés de mode, bien loin de l’univers streetwear.

En 2017, pour les 30 ans du modèle, le regretté Virgil Abloh présente ainsi sa collection « The Ten » à la Fashion Week de Paris, conçue en collaboration avec Nike et dans laquelle il revisite diverses paires de Nike Air avec des détails de haute couture.

En 2021, c’est le rappeur Lil Nas X qui fait sensation avec ses Air Max 97 revues et corrigées : la bulle d’air contient une goutte de vrai sang humain, valant à ces chaussures le surnom de Satan Shoes… Une édition limitée à 666 exemplaires imaginée par le studio MSCHF qui déclenche les foudres de Nike, qui goûte peu à la polémique déclenchée par cet objet. Mais au-delà de la controverse, cette chaussure est la preuve ultime que la bulle d’air Nike a cassé les codes du sportswear et qu’elle a rejoint le panthéon de la mode contemporaine.