Avec son titre à l’eau de rose, on n’y avait guère prêté attention. Pourtant, cette série mérite largement d’être considérée. Pour Toujours (ou Forever dans sa version originale) n’est pas qu’une simple comédie romantique.
Inspirée d’un roman polémique de Judy Blume, elle s’est immédiatement hissée parmi les programmes les plus visionnés du moment sur Netflix, ce qui a d’ailleurs conduit la plateforme à renouveler la série pour une saison 2. Et si les rapports adolescents sont évidemment à l’honneur, les discriminations sociales et raciales y sont aussi évoquées avec une belle subtilité.
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L’adaptation audacieuse d’un classique américain controversé
Avec Pour toujours, Netflix fait bien plus que livrer une énième romance adolescente. En adaptant le roman culte de Judy Blume, l’une des œuvres les plus censurées des bibliothèques américaines depuis sa publication en 1975, la plateforme ose remettre au goût du jour une histoire d’amour et d’éveil sexuel qui avait déjà secoué l’Amérique puritaine. Et pour cette transposition moderne, c’est la scénariste Mara Brock Akil (Girlfriends, Being Mary Jane) qui prend les rênes, en actualisant l’intrigue dans le Los Angeles de 2018 et en offrant les premiers rôles à deux adolescents afro-américains, Keisha et Justin.
Si l’histoire originale de Forever (le titre VO) racontait la passion entre deux lycéens blancs du New Jersey, cette nouvelle version prend le parti de représenter l’expérience de jeunes Noirs aux États-Unis, avec leurs réalités sociales, scolaires et affectives. Keisha, brillante élève et sportive de haut niveau, et Justin, fils de famille aisée en lutte contre ses troubles de l’attention, incarnent avec justesse des personnages pris entre la pression scolaire, les attentes familiales et les élans du cœur.
Ce qui pourrait n’être qu’une jolie bluette lycéenne s’étoffe ici d’une lecture sociale et raciale contemporaine, offrant à la série une densité rare dans le genre teen drama. Le choix de placer cette intrigue dans une Amérique post-Obama, où les tensions raciales sont toujours vives, n’a rien d’anodin. La série glisse subtilement des enjeux de classe, de genre, et de discrimination dans son récit sans jamais sombrer dans le didactisme ou la lourdeur.
Une série plus profonde et sensible qu’il n’y paraît
C’est probablement l’un des atouts majeurs de Pour toujours : sa capacité à conjuguer tendresse et lucidité. Là où tant de séries adolescentes misent sur le cynisme ou la noirceur (de Euphoria à 13 Reasons Why), celle-ci choisit une voie plus apaisée. La douceur de la mise en scène, le rythme posé, et la bienveillance qui imprègne chaque relation familiale ou amoureuse rendent le visionnage particulièrement agréable, voire apaisant.
D’ailleurs, la critique américaine ne s’y est pas trompée : le Los Angeles Times salue un récit « plein de tendresse », tandis que Variety parle d’un « charme authentiquement magique ». Il faut dire que la direction artistique est soignée : les jeux de lumière magnifient les peaux noires, la bande-son mêle Frank Ocean, Summer Walker ou encore SZA, et les dialogues sonnent juste, entre maladresses adolescentes et élans sincères.
Les comédiens principaux, Lovie Simone (Greenleaf) et Michael Cooper Jr., ne sont plus adolescents dans la vraie vie, mais leur fraîcheur crève l’écran. Leur alchimie est évidente, et leurs personnages, même dans leurs doutes et erreurs, demeurent profondément attachants. Les adultes qui les entourent (interprétés notamment par Karen Pittman et Wood Harris) ne sont pas caricaturés : ce sont des parents aimants, parfois dépassés, mais jamais indifférents.
Enfin, impossible de passer à côté du symbole fort que représente cette série : proposer à un jeune public une histoire d’amour noir, complexe et nuancée, sans misérabilisme ni surenchère dramatique, reste encore trop rare dans la fiction mainstream. En cela, Pour Toujours se rapproche davantage de The Chi (disponible sur Disney+) ou Dear White People (également sur Netflix) que des classiques du genre.
Dès sa sortie le 8 mai 2025, Pour Toujours s’est hissée dans le top 3 des séries les plus visionnées sur Netflix. Face à ce succès, la plateforme a confirmé une saison 2 à peine une semaine plus tard, la créatrice Mara Brock Akil se disant « honorée de poursuivre cette lettre d’amour à tous ceux qui ont dit : ‘Oui, ça, c’est pour moi.' » Avec Pour toujours, Netflix réussit une belle prouesse : parler d’amour et de racisme sans lourdeur, traiter la sexualité sans vulgarité, et surtout capturer la beauté fragile de cette période charnière qu’est l’adolescence. Bref, contrairement à ce que l’on aurait pu penser au début, voilà une œuvre à voir avec ou sans nostalgie, mais certainement avec attention.
