Le classicisme, très peu pour MB&F ! La maison genevoise fondée en 2005 s’est toujours distinguée jusqu’à présent par ses montres d’exception au design spectaculaire, à l’image de ses Legacy Machine et Horological Machine. Mais il faut croire que le 20e anniversaire de la marque est synonyme (au moins temporairement) d’une certaine maturité.
Maximilian Büsser vient en effet de présenter sa nouvelle SP-One, une montre qui ne ressemble à aucune autre chez MB&F, mais qui brille pourtant déjà de mille feux. Et qui n’a finalement rien à envier aux « machines horlogères » auxquelles il nous avait habitués !
MB&F entre dans une nouvelle ère (sans renier la sienne)
MB&F (pour Maximilian Büsser & Friends) fête ses vingt ans en cette année 2025. Une étape symbolique pour une marque indépendante qui, depuis ses débuts, fait rimer horlogerie avec expérimentation. Après les Horological Machines à l’allure de vaisseaux spatiaux ou d’animaux mécaniques, puis les Legacy Machines, hommage steampunk aux grands noms du XIXe siècle, voilà donc les Special Projects, nouvelle capsule créative inaugurée avec cette SP-One.
Comme souvent chez MB&F, tout commence par un croquis presque enfantin. Trois cercles griffonnés en 2018 (un barillet, un balancier, un cadran) dont la disposition fait penser à un smiley. Ce dessin innocent, retrouvé au cœur de la pandémie de COVID, va donner naissance à une pièce tout en contraste : aussi douce visuellement qu’extrêmement technique. Une montre qui ne devait pas exister, et qui incarne pourtant avec grâce l’ADN rebelle de la maison genevoise.
Pensée à contre-courant, sans cahier des charges ni étude de marché, la SP-One propose un retour à une forme d’élégance horlogère minimaliste. Un galet de 38 mm de diamètre, aux courbes fluides, dont la lunette a disparu pour laisser place à une surface continue, magnifiée par un verre saphir ultra-bombé. Les cornes sont décollées de la boîte, accentuant cette impression de flottement. Le tout est disponible en or rose 18 carats ou platine 950, avec une finition entièrement polie, et un discret remontoir positionné à 10 heures.
Mais ne vous y trompez pas : cette SP-One ne joue pas la carte du classicisme au sens traditionnel. Elle est, comme l’écrivent nos confrères de Monochrome Watches, « une montre élégante qui murmure plutôt que de crier ». Et c’est sans doute ce qui la rend aussi puissante visuellement.
Une mécanique en apesanteur avec trois éléments flottants et hypnotiques
Si le boîtier joue la carte de la sobriété, le mouvement, lui, reste fidèle à l’esprit cinétique et architectural propre à MB&F. Le calibre SP One, développé en interne, est conçu autour de trois éléments flottants : le barillet, le balancier et un cadran incliné à 6 heures. L’ensemble est suspendu entre deux glaces saphir, comme dans une vitrine, et donne l’illusion que les composants lévitent au cœur du vide.
C’est un véritable exercice de style technique : les ponts sont invisibles, les vis absentes côté cadran, et les composants semblent posés dans l’air. Le balancier à inertie variable, logé à 2 heures, oscille à une fréquence de 2,5 Hz, tandis que le cadran DLC noir (typique de MB&F) est légèrement incliné, une prouesse rendue possible par un ingénieux engrenage conique. Ce dernier assure la transmission de l’heure malgré l’angle atypique de lecture.
Chaque détail est travaillé avec soin : 191 composants, 31 rubis, finitions à la main, chatons en or, ponts anglés, surfaces polies, satinées ou microbillées. Le mouvement est visible côté fond à travers un second verre saphir, révélant toute la complexité cachée de cette mécanique. Une belle démonstration du savoir-faire des artisans que MB&F rassemble autour de ses créations.
Et puisque l’on parle d’équilibre, notons que malgré son épaisseur annoncée de 12 mm, la SP-One paraît bien plus fine au poignet, grâce à son galbe, ses proportions maîtrisées (longueur de corne à corne : 41,9 mm) et la transparence de son architecture. C’est une montre qui se fait oublier… jusqu’à ce qu’elle capte un rayon de lumière et devienne littéralement sculpturale.
La SP-One, une montre-pivot pour MB&F ?
MB&F a annoncé que sa SP-One n’est pas une série limitée, mais que la production dépendra des capacités de la manufacture. Elle est proposée à partir de 64 000 € en or rose et voit son prix grimper à 69 000 € en platine… hors taxes. Deux versions, deux ambiances : la version platine adopte une teinte bleu ciel sur sa paroi interne biseautée, tandis que celle en or rose joue la carte de l’anthracite.
Au final, avec cette montre, MB&F ne va pas jusqu’à renier ses fondations mais dévoile une autre facette de sa personnalité. Cette collection Special Projects semble ouvrir un espace d’expression plus libre, plus intime aussi, pour des idées qui ne rentraient ni dans la logique des Horological Machines ni dans celle des Legacy Machines. Et en cela, la SP-One pourrait bien représenter un tournant subtil mais fondamental dans l’histoire de la maison.