Emmanuel Roche (Aemium) : le parfum doit faire sa révolution écologique

Alors que de plus en plus de marques communiquent sur leur engagement (soi-disant) responsable, Emmanuel Roche, fondateur de la maison Aemium, déplore le fait que le secteur de la parfumerie n’a pas pris conscience des enjeux écologiques actuels. Pour lui, une révolution s’impose à grande échelle… et pas forcément au niveau où on l’attend le plus. Rencontre.

Aemium, une maison française qui veut dépoussiérer le secteur du parfum

Casser les codes de la parfumerie en général et de la parfumerie de luxe en particulier. Telle est l’ambition d’Emmanuel Roche au moment de lancer Aemium. Un défi de taille rendu encore plus ardu par un petit virus qui choisit de pointer le bout de son nez précisément au même moment, en mars 2020. Qu’à cela ne tienne. De toute façon, l’entrepreneur n’imaginait pas se lancer dans une aventure facile…

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Ingénieur Arts & Métiers de formation, Emmanuel Roche commence à travailler dans la téléphonie avant d’intégrer le secteur de la cosmétique. Pendant plus de 15 ans, il développe, produit et distribue des produits pour de très grandes marques. Mais en tant que directeur d’usine et directeur Supply Chain Europe, il constate aussi que « quelque chose ne va pas dans ce milieu » selon ses propres mots.

Mais s’il quitte le grand groupe qui l’emploie, la cosmétique et la parfumerie le passionnent. « Je me suis dit qu’au lieu de laisser la place aux autres, j’allais moi-même tenter de faire quelque chose, créer un produit aussi neutre que possible pour l’environnement et pour les clients. »

Ainsi le projet Aemium voit-il le jour, avec 7 parfums de luxe :

  • Hespereden, qui fait la part belle aux agrumes ;
  • Blooming Summer, une eau de parfum solaire et florale ;
  • Silence des Calanques, iodé et floral ;
  • Elixiris, conçu autour de l’iris ;
  • Nova Espero, un étonnant contraste en sauge et vanille ;
  • Innocence in a Scent, un bouquet floral exotique et boisé ;
  • Rouge Confidence, un clair-obscur cuiré floral.

Le point commun entre ces 7 fragrances ? Elles sont toutes certifiées naturelles et biologiques par ECOCERT, dans un packaging éco-conçu (jusque dans les échantillons). Une preuve que la parfumerie peut vraiment adopter un comportement éco-responsable ? Peut-être…

Eau de parfum Aemium Innocence in a Scent

L’écologie ne doit pas être un argument marketing, même pour un parfum de luxe

Aujourd’hui, pas une semaine ne se passe sans que nous recevions un communiqué de presse faisant état du lancement d’une nouvelle marque de mode éthique, d’une nouvelle collection éco-responsable ou d’une nouvelle ligne de vêtements upcyclés… Au rayon parfum, en revanche, l’accent est plus souvent mis sur l’aspect luxueux, raffiné et complexe, voire sur un flacon innovant et original. Mais pourquoi cette absence d’argumentaire écologique ? C’est ce que nous avons demandé à Emmanuel Roche, alors que celui-ci a justement publier une tribune évocatrice, Le secteur de la parfumerie doit faire sa révolution écologique.

Masculin.com : Bonjour Emmanuel. Pourquoi avoir ressenti le besoin d’écrire cette tribune au sujet de l’impact écologique des parfums ?
Emmanuel Roche : Nous devons faire des efforts pour préserver la planète. Tous. Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’on « ne savait pas ». Pourtant, après plus de 15 ans passés dans ce milieu, je ne vois aucune prise de conscience dans le monde de la parfumerie. Bien sûr, on voit que les maisons les plus prestigieuses communiquent beaucoup à ce sujet, nomment des gens en tant que responsables RSE… Mais concrètement, les choses changent très peu, notamment au niveau de la conception des parfums.

Justement, vous dites que ce n’est pas tant dans la composition des parfums que dans le packaging que les choses doivent bouger… Pouvez-nous nous expliquer ceci ?
Oui, aujourd’hui, une large majorité des ingrédients des parfums sont déjà naturels. Généralement les 85% d’alcool et d’eau qui les composent. Et dans les 15% restants, on trouve certes des composants de synthèse parfois issus de la pétrochimie et non biodégradables, mais aussi des éléments naturels et bio. On pourrait faire encore mieux, mais on peut aussi se dire que c’est l’arbre qui cache la forêt…

Les parfums Aemium sont présentés dans des coffrets en bois
Parfum Aemium Elixiris

Mais quel est le problème avec les flacons alors ?
Un problème de poids, déjà ! Aujourd’hui, les grandes marques accordent une attention particulière au design de leurs bouteilles, avec du verre épais, très travaillé, ce qui consomme énormément d’énergie pendant le processus de fabrication.
En réalité, on rajoute du poids de verre, on donne l’impression au consommateur qu’il a plus de parfum, on joue sur l’image… mais on se fiche bien de l’écologie ! Ce n’est bon ni pour le client ni pour la planète. C’est là que l’on voit que marketing et RSE ne font pas bon ménage.

Il n’y a pas que le verre ; vous parlez aussi des bouchons des flacons.
Oui, les capots des flacons, c’est l’autre élément choquant à mon sens. Aujourd’hui, dans la parfumerie, seul 1% des bouchons est recyclable. Comme pour les flacons, les marques accordent de plus en plus de soin à l’esthétique de leurs capuchons. Elles jouent sur l’effet de transparence avec des capots fabriqués en Asie, qui ressemblent à du verre ou du cristal, mais qui sont en réalité fabriqués dans un plastique non recyclable, le surlyn. On trouve aussi beaucoup de bouchons en aluminium ou même en bois… mais avec des inserts en plastiques, non démontables, que l’on ne peut donc pas recycler. Je vous laisse donc imaginer la quantité de déchets que cela représente, et qui doit être brûlée.

Effectivement, mais concrètement, que proposez-vous ?
Critiquer, c’est facile, mais moi, qu’est-ce que je peux faire ? C’est ce que je me suis demandé quand j’ai lancé Aemium. Je ne pouvais pas rester insensible face à cet état de fait et j’ai donc voulu réveiller ce secteur, qui réalise des millions d’euros de chiffre d’affaires chaque année.
Comme je l’ai dit, le but était de créer un parfum qui soit le plus neutre possible, non seulement pour l’environnement mais aussi pour le consommateur.

Au-delà de la composition des 7 fragrances, un flacon en verre Aemium de 100ml, par exemple, ne pèse que 100g, contre 200g en général pour les grandes marques. Le bouchon est en aluminium, fabriqué en France, recyclé et recyclable. Et je suis fier de dire que même nos échantillons sont fermés par un bouchon en liège naturel.

Coffret d'échantillons Aemium

Donc, la parfumerie peut être compatible avec la protection de l’environnement ?
C’est ce que j’ai envie de croire… et de montrer, oui ! Dommage que cela ne passionne pas les foules. Alors, bien sûr, c’est plus coûteux, pas forcément simple à mettre en place, mais c’est possible.
S’il n’y a aucune législation en la matière aujourd’hui, une prise de conscience est possible. Cela fait déjà quelques années que c’est le cas dans l’agro-alimentaire, ça commence à bouger dans la mode et la fast fashion, il n’y a pas de raison pour que le luxe et la parfumerie soient exemptés de ça.

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Parfum de luxe Aemium

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