Née en 1956, la Rolex Milgauss n’a pas connu la même trajectoire que la Submariner ou la GMT Master. Elle est pourtant devenue à sa façon une icône, une toolwatch très appréciée par les collectionneurs. Mais alors, pourquoi cette montre n’a-t-elle jamais fait l’unanimité ? Et qu’est-ce qui rend cette Rolex si « différente » des autres ? On vous propose de (re)plonger dans l’histoire de l’atypique Milgauss !
Les raisons qui ont poussé Rolex à créer la Milgauss
Les années 1950 ont été une glorieuse décennie pour Rolex. Elles ont effectivement vu naître des modèles aussi emblématiques que l’Explorer et la Submariner, en 1953, puis la GMT-Master en 1955 et la Day-Date en 1956. Cette même année a aussi été marquée par le lancement d’une montre bien particulière, la Milgauss.
Ici, ce n’est pas pour l’armée, ni même pour des pilotes que la montre a été pensée, mais pour les scientifiques. Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la demande industrielle et scientifique est forte et les professionnels sont de plus en plus exposés à des champs magnétiques susceptibles d’affecter la précision de leurs montres mécaniques.
Rolex, toujours à l’affût d’innovations significatives, relève le défi en développant une montre capable de résister à des champs magnétiques allant jusqu’à 1000 gauss (d’où son nom), un exploit technique à l’époque.
Le secret de la performance exceptionnelle de la Milgauss réside dans son boîtier innovant. Rolex a effectivement intégré une cage en fer doux (baptisée « cage de Faraday »)autour du mouvement, le calibre automatique 1080, créant ainsi une barrière protectrice contre les influences magnétiques. Cette approche, bien que simple en apparence, est révolutionnaire pour l’époque et pose les bases de ce que l’on pourrait considérer comme la montre scientifique par excellence.
Une montre qui a toujours peiné à trouver son public
Malgré ses avancées, la Milgauss n’a pas immédiatement capturé l’attention du grand public, restant une curiosité technique admirée principalement par les connaisseurs et les professionnels pour qui elle était destinée. L’histoire raconte d’ailleurs que cette Rolex est notamment très appréciée alors par les scientifiques du CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire) à Genève.
Contrairement à d’autres modèles de la marque qui ont connu un succès commercial presque instantané, la Milgauss a donc suivi un chemin plus discret. Esthétiquement, les premières références (6541/6543) font penser à la Submariner d’alors, avec sa lunette unidirectionnelle et son bracelet Oyster. Mais la Milgauss se distingue aussi par quelques éléments plus exclusifs, notamment une seconde en forme d’éclair, des aiguilles glaives en lieu et place des iconiques aiguilles « Mercedes » et un cadran texturé avec une finition nid d’abeille.
A partir de 1960, Rolex tente de donner un second souffle à sa montre outil, en dégainant la référence 1019. Plus sobre et épurée, cette nouvelle Milgauss bénéficie de plusieurs changements esthétiques, parmi lesquels une lunette lisse et une trotteuse fine (exit l’aiguille en forme d’éclair !). Le cadran, décliné en deux variantes (fond noir ou argent), offre une lisibilité améliorée et un style plus versatile… et moins clivant. Techniquement, en revanche, rien ne change : la Milgauss a été conçue pour résister aux champs magnétiques et elle le fait toujours aussi bien.
Pas de quoi séduire le public pour autant. Si elle reste présente au catalogue pendant 28 ans, cette Rolex ne se vend pas ou presque et finit par disparaître du catalogue en 1988.
La renaissance de la Milgauss et l’engouement des collectionneurs
Si certains puristes tentent de lui donner une seconde chance sur le marché de la seconde main, il faut attendre Baselworld 2007 pour voir réapparaître la Milgauss. Rolex décide en effet de la réinventer avec la référence 116400.
Ce nouveau modèle, tout en restant fidèle à l’esprit de l’original, présente des éléments de design modernisés, comme le verre saphir teinté vert, une première pour Rolex. Désormais dotée d’un boîtier de 40 mm (contre 38 auparavant), la référence 116400 reçoit aussi un nouveau calibre 3131 certifié par le COSC et toujours bien protégé dans sa cage.
Plus moderne dans son style, tout en respectant ses fondamentaux techniques et scientifiques, cette version de la Milgauss est bien mieux accueillie, trouvant sa place auprès d’un public plus large qui semble apprécier à la fois ses capacités anti-magnétiques et son esthétique unique.
Avec sa version « Z Blue » dévoilée en 2014, associant un cadran bleu à sa fameuse « glace verte » et l’iconique trotteuse-éclair orange, la Milgauss a confirmé son statut de montre différente.
Son parcours, tout sauf linéaire, illustre parfaitement comment une montre initialement conçue pour une niche spécifique peut transcender son objectif initial. Malgré, ou peut-être à cause de, son approche non conventionnelle, la Milgauss continue de fasciner et d’inspirer. Les rares références 6541 disponibles sur le marché de l’occasion voient leur prix allègrement dépasser les 100 000 euros quand la 1019 s’échange autour de 30 000 euros.
Quant à la petite dernière, la Milgauss 116400, elle fait le bonheur des collectionneurs pour un budget compris entre 8000 et 10 000 euros. Pas mal pour une montre qui n’a jamais fait l’unanimité !
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